Les pixels chauds - origine et élimination

Dans le billet précédent, on s’est intéressé aux types de bruit et aujourd’hui, on va voir plusieurs méthodes pour éliminer le bruit à motif fixe, que l’on appelle également les pixels chauds. D’où viennent les pixels chauds ? Comment les éliminer ? Les réponses dans la suite de ce billet !


Comprendre les pixels chauds

a) Qu’est-ce qu’un pixel chaud ?

C’est quand un pixel passe trop de temps à la plage et… pardon, reprenons ! :D Il s’agit d’un pixel anormalement clair ou coloré qui apparaît au même endroit sur chaque cliché. Combiné aux pixels morts et bloqués, ils forment le bruit à motif fixe de nos images. Généralement, vous ne les verrez pas en regardant une photo dans son intégralité, il faut zoomer à 100 ou 200% pour qu’ils soient visibles.

Photo prise de nuit dans le désert des Bardenas, ISO 3200, 120s X 19 (empilement de 38 minutes), f/5.6, Canon 5D Mark III, Canon 17-40 f/4 L à 17 mm

Note : avec certains appareils et logiciels de traitement, ils peuvent apparaître comme des petites croix

b) L’origine des pixels chauds

Pour comprendre d’où ils viennent, on va d’abord s’intéresser au fonctionnement de nos appareils. Un capteur photographique est composé de photosites qui collectent des photons et les convertissent en électrons. La tension électrique de chaque photosite est ensuite amplifiée (ISO) et converti en valeur numérique grâce au CAN (Convertisseur Analogique/Numérique) :

Un pixel n’ayant pas reçu de lumière devrait donc afficher une valeur de 0 et être totalement noir. Or, ce n’est pas vraiment le cas ! En effet, à cause d’un phénomène appelé courant de fuite (ou courant d’obscurité), la tension électrique des photosites augmentent très légèrement même lorsqu’ils ne reçoivent pas de lumière.

La valeur de tous les pixels est donc légèrement faussée, mais certains photosites ont plus de courants de fuite que d’autres et produisent des pixels qui sont beaucoup trop clairs que l’on appelle les pixels chauds.

Note 1 : avec l’usure de l’électronique les emplacements des pixels chauds peuvent varier

Note 2 : il y a d’autres sources de bruit électronique qui contribuent à la dégradation du RSB comme le bruit de lecture par exemple.

c) Dans quelles conditions sont-ils visibles ?

Dans la majorité des situations, on ne voit pas de pixels chauds dans nos images. Le courant d’obscurité altère la valeur des pixels, mais ces écarts sont normalement insignifiants par rapport à l’intensité du signal.

Cependant, une élévation de la température de l’électronique augmente l’intensité du courant d’obscurité ce qui a pour effet d’exacerber la présence de bruit à motif fixe. Vous verrez donc plus de pixels chauds lorsque vous ferez des poses longues et lorsque les températures seront élevées.

Ceci étant dit, même dans ces conditions, vous verrez peu de pixels chauds dans la majorité des cas puisque le signal est généralement plus important que le courant de fuite.


d) Ce n’est pas la faute de la sensibilité ISO

On lit très souvent sur internet que l’on voit plus de pixels chauds lorsque l’on utilise des sensibilités ISO élevées, mais ce n’est pas à cause de la sensibilité ISO en elle même, mais plutôt à cause d’un manque de lumière. Il ne faut donc pas hésiter à monter en ISO pour avoir une bonne exposition lorsque vous ne pouvez pas récupérer plus de lumière.


e) Tous les capteurs ont des pixels chauds

Même si ce défaut peut paraître étonnant, sachez qu’il est normal qu’un capteur ait des pixels chauds. Ils en ont tous ! Il est impossible de produire des capteurs parfaits et comme expliqué précédemment, ces défauts ne sont pas visibles dans la plupart des situations. Il est donc inutile de renvoyer votre nouvel appareil photo au SAV (Service Après Vente) à cause d’un pixel chaud.


Éliminer les pixels chauds

a) La carte des pixels chauds

Lorsque l’on fait des poses longues, les pixels chauds peuvent donc nuire au rendu de nos clichés et ce même lorsque l’on utilise des réglages optimaux. Mais il existe une solution ! Nos appareils intègrent une carte des pixels chauds qui est inséré dans chaque fichier RAW. Elle est lu par nos logiciels de traitement qui peuvent ainsi éliminer ces pixels automatiquement. Cependant, les JPG ne profitent pas de cette fonctionnalité (sur les boîtiers Canon que j’ai testé).

Dans cet exemple, j’ai utilisé un temps de pose de 30s et j’ai réglé la qualité d’image en JPG + RAW. Des pixels chauds sont visibles sur le JPG, mais pas sur le RAW :

JPG, ISO 100, 30s, f/7.1, Canon 550D, Canon 17-40 f/4 L à 40 mm

Ceci étant dit, cette carte est imparfaite puisque la présence de bruit à motif fixe varie en fonction de la température ainsi que de l’usure de l’électronique de l’APN. C’est pour cette raison que la carte peut être mise à jour afin de mieux référencer les pixels capricieux de nos capteurs :) Malheureusement, seul les appareils Canon à trois chiffres ou moins permettent de mettre à jour la carte (800D, 80D, 7D, 5D, etc.). Pour ce faire, il suffit de lancer un nettoyage automatique du capteur (à noter que cette fonctionnalité cachée n’est pas décrite dans le manuel des APN Canon).

b) La réduction de bruit pour expositions longues

Cependant, il existe une autre solution pour éliminer les pixels chauds : la réduction de bruit pour expositions longues (ou Long Exposure Noise Reduction / LENR en anglais). En effet, si vous activez cette option, dès que votre appareil aura fini de prendre une photo, il déclenchera une deuxième fois en utilisant le même temps de pose, mais en maintenant l’obturateur fermée. Il va ensuite soustraire cette image noire (Dark Frame) à votre photo afin d’éliminer les pixels chauds. Cette option fonctionne sur les JPG et les RAW

À gauche, un JPG sans LENR et à droite, un JPG avec LENR :

À gauche, un RAW sans LENR et à droite, un RAW avec LENR :

Comme vous pouvez le voir, la réduction de bruit pour expositions longues est très efficace et a éliminé les pixels chauds restants. Cependant, l’utilisation de cette fonctionnalité double les temps de pose ce qui limite son intérêt. En effet, les batteries se videront deux fois plus rapidement et il est souvent plus rapide de supprimer manuellement les pixels chauds restants en post traitement que de doubler le temps de pose total sur le terrain.

De plus, la réduction de bruit pour expositions longues ajoute du bruit aléatoire et dégrade le rapport signal/bruit (RSB) de vos clichés. Ce problème est connu des fabricants d’APN et mentionné dans le manuel dans la description de cette option. La différence est généralement faible, mais visible :

En regardant bien les deux images, on voit qu’il y a plus de bruit de chrominance sur celle de droite (tâches magenta). Dans le cas du 5D Mark III, la dégradation de l’image est très faible, mais sur d’autres appareils la réduction de bruit pour expositions longues peut fortement nuire au rendus des clichés. C’est le cas du Nikon D750 par exemple.

Personnellement, je conseille généralement de désactiver cette fonctionnalité et d’utiliser seulement la carte des pixels chauds car même si elle est imparfaite, elle ne comporte aucun inconvénient et suffit dans la majorité des situations.

c) Réduire le temps de pose et augmenter l’ouverture

Plus le temps de pose utilisée est élevé et plus la température de l’électronique sera élevée elle aussi. Et comme expliqué précédemment, lorsque la température augmente, le courant d’obscurité augmente ce qui fait apparaître davantage de pixels chauds dans nos images.

Vous pouvez donc réduire le nombre de pixels chauds visibles en réduisant le temps de pose et en augmentant l’ouverture utilisée. Par exemple, plutôt que d’utiliser une ouverture de f/8 et un temps de pose 2 minutes, vous pouvez opter pour une ouverture de f/2.8 et un temps de pose de 15s.

Et si la profondeur de champ à f/2.8 n’est pas suffisante, vous pouvez faire du focus stacking.

d) Les empilements

Pour finir, sachez que le bruit à motif fixe peut également être éliminé par le biais d’empilements particuliers où l’on utilise une technique appelée “dithering”. Et nous verrons cette méthode dans un article dédié à ce sujet :)

Conclusion

Vous savez à présent ce que sont les pixels chauds et dans quels conditions ils apparaissent. Comme vous avez pu le voir, ils sont rarement visibles ou gênants et la carte des pixels chauds permet à nos logiciels de traitement de les éliminer automatiquement. Comme toujours, j’espère que cet article vous aura plu et que vous aurez appris des choses. Dans le prochain billet, nous découvrirons le bruit de courant d’obscurité et l’impact de la température sur le RSB. Sur ce, bonne journée et bonne photo !


Sources :

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Le bruit de courant d’obscurité et les températures

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