Les plages dynamiques
Cet article est le premier d'une série sur la gestion précise de l'exposition, il fait suite aux billets sur les bases de la photographie, lisez les avant d'attaquer celui-ci !
Nos capteurs et nos yeux ne voient pas tout à fait de la même manière et c’est en partie dû à ce que l’on appelle la plage dynamique (et non, il ne s’agit pas d’une plage avec plein de gens très dynamiques…:p ). Elle est souvent incomprise et devient une source de frustrations pour les photographes débutants. Comment ça fonctionne ? À-t-elle un rapport avec le post-traitement ? Les réponses dans la suite de ce billet !
De quoi s’agit-il ?
En photographie, la plage dynamique est la différence d’intensité lumineuse entre la zone la plus sombre et la zone la plus éclairée d’une scène (c’est le contraste de la scène). Nos yeux ont une dynamique d’environ 25 IL alors que les meilleurs capteurs du marché ne dépassent pas 15 IL ; c’est pour cette raison que nos photos semblent parfois plus contrastées que ce que nous voyons.
J’insiste sur le fait qu’il s’agit de la différence entre la zone la plus sombre et la zone la plus lumineuse et non l’intensité lumineuse d’une scène. En effet, si une scène est fortement éclairée, mais de manière uniforme et sans zone d’ombre, la dynamique de la scène sera faible. Au contraire, s’il y a peu de lumière, mais qu’une zone est très lumineuse, la dynamique de la scène sera importante (une photo de nuit avec un lampadaire par exemple).
Mais que se passe-t'il lorsque l'on photographie une scène avec une grande dynamique ? Eh bien ! Souvent, une partie de la photo sera totalement sur ou sous-exposée, on parle alors de zones cramées ou bouchées. Cela signifie que dans ces parties de l'image, le capteur a reçu beaucoup trop ou pas assez de lumière pour pouvoir distinguer des détails, on se retrouve alors avec des aplats blancs ou noirs. Regardons un exemple :
Ici, on constate que le ciel est totalement blanc, il est surexposé/cramé.
Dans ce deuxième exemple, c'est l'inverse : le ciel est correctement exposé, mais d'autres parties de l'image sont totalement sous-exposées/bouchées. Il est important de noter qu'avec mes yeux, je distinguais correctement les détails dans le ciel et dans les ombres (comme expliqué plus haut, nos yeux ont une très grande dynamique).
Que peut-on faire dans ce genre de situation ? Eh bien, la solution la plus simple est de shooter en RAW et d'exposer sa photo en se basant sur les hautes lumières : on crée la photo la plus lumineuse possible, mais sans surexposer les hautes lumières pour autant (on appelle cette technique, l'exposition à droite, je vous en parlerai en détail dans un autre billet).
Comme vous pouvez le voir, de base votre photo ne sera pas forcément très esthétique, mais c'est là qu’intervient le traitement. On note également que les hautes lumières sont pratiquement blanches et on distingue à peine les détails dans le ciel. Mais rassurez-vous, le ciel ici n'est pas cramé, il est à la limite de la surexposition.
Le post-traitement
Une fois derrière votre ordinateur et accompagné d'un bon café :), vous pouvez rééquilibrer l'exposition de votre image afin d'obtenir quelque chose qui ressemble un peu plus à ce que vous aviez vu :
On voit maintenant les nuances dans le ciel et bien plus de détails dans les ombres, il faut cependant faire attention en relevant l'exposition dans les zones d'ombre. En effet, augmenter l'exposition d'une photo ou d'une partie de celle-ci après la prise de vue fait apparaître du bruit !
On pourrait se dire que le plus simple serait de sous-exposer toutes ses photos afin de ne jamais perdre d'informations dans les hautes lumières, mais comme je vous disais plus haut, l'idéal est d’avoir la photo la plus lumineuse possible tout en faisant attention de ne rien surexposer. Et pour preuve, voici la photo plus sombre avec les mêmes traitements que la photo bien exposée (celle que je viens de traiter) :
Aie aie aie, c'est pas beau à voir ! On constate immédiatement qu'il a une tonne de bruit sur la photo...
Un outil créatif
Poursuivons ! La dynamique est donc une contrainte en photographie, mais elle peut également être utilisée de manière créative. En effet, on peut utiliser la dynamique à notre avantage en "cachant" certaines parties d'une scène ! En bouchant les ombres, on peut obtenir des rendus en "ombres chinoises" souvent très esthétiques :
Ou au contraire, on peut choisir de surexposer certaines parties d'une scène comme ici :
Si toute la photo était normalement exposée, le rendu serait moins intéressant. Je conseille cependant de faire plusieurs photos dans ce genre de situation : une normalement exposée et une sur ou sous-exposée, de cette manière si finalement le rendu ne vous plait pas, vous aurez toujours une autre version de la photo.
Dépasser les limites de son capteur
Vous comprenez maintenant que l’on peut utiliser la dynamique limitée de nos capteurs de manière créative, mais que fait-on lorsque l’on souhaite capturer toute les informations de la scène alors que la dynamique de celle-ci dépasse largement celle de notre capteur ? Nous avons vu plus haut que l'on pouvait relever les ombres, mais que cette méthode génère du bruit et peut donc s'avérer insuffisante dans les situations les plus extrêmes. C’est là qu’intervient la photographie HDR (High Dynamic Range = grande plage dynamique), il s’agit de prendre plusieurs clichés avec des expositions différentes afin de les combiner pour obtenir une image avec une dynamique immense, dépassant largement celle de notre capteur ! Afin de faciliter la prise de vue, la plupart des APN (appareil photo numérique) disposent d’une fonctionnalité appelée le braketing d’exposition, mais on peut également utiliser la correction d’exposition ou le mode manuel pour prendre les clichés avec des expositions différentes.
Une fois les photos enregistrées, on peut simplement les combiner dans Lightroom (ou dans n’importe quel logiciel de post traitement digne de ce nom) afin d’obtenir notre super fichier doté d’une dynamique impressionnante.
Ceci étant dit, cette technique présente également certaines limites que je vous exposerai plus en détail dans un dossier dédié à la photographie HDR.
La montée en ISO
Monter en ISO réduit la dynamique, pensez donc à utiliser la sensibilité ISO la plus basse possible. On remarque d’ailleurs que les différences entre les différents capteurs s’estompent en montant en ISO et ils peuvent même parfois s’inverser ! Par exemple, un Nikon D810 dispose d’une excellente dynamique de 14.8 stops à ISO 64 alors que le Canon 5D Mark IV n’a « que » 13.6 stops à sa sensibilité ISO native de 100 ; mais la tendance s’inverse à partir d’ISO 320 où le 5D prend le dessus (avantage qu’il maintient ensuite sur toute la montée en ISO).
Les scènes à très faible dynamique
Ah ! La dynamique de cette scène est très faible, ça va donc être facile à photographier... J'ai envie de dire oui... et non :D Lorsqu'une scène a une dynamique très faible, il est vrai qu'il est bien plus difficile de perdre totalement des informations en sur ou sous-exposant différentes parties de la photo, mais si l'on souhaite obtenir une image finale contrastée ou de très bonne qualité, il est fortement conseillé d'exposer à droite comme avec les scènes à forte dynamique, je ne vais pas expliquer en détail pourquoi c'est préférable, vu qu'un article dédié à l'exposition à droite arrive sous peu. En attendant, voici la photo d'une scène à très faible dynamique avant et après traitement :
Comme vous pouvez le constater, j'ai pu extraire énormément de données et augmenter fortement le contraste de cette photo (prise en RAW, comme toujours) ; et c'est en grande partie grâce à une gestion précise de l'exposition !
Conclusion
La dynamique fait partie des bases de la photo et le comprendre peut améliorer grandement le rendu de vos photos, mais également vous donner plus de possibilités créatives. Dans un prochain billet, je vous expliquerai comment maîtriser la dynamique à la perfection en utilisant un outil surpuissant : l’histogramme ! Sur ce, je vous dis bonne photo et à bientôt !